La seule chose qu'ils faudraient qu'ils changent, c'est l'arrogance de
la certitude que parce qu'ils sont X, ils sont légitimes.
Denys Acker - L'abécédaire
Pour
se convaincre que le système français qui, entre tous les
systèmes d'enseignement européen, confère à l'examen le poids
le plus grand se définit moins qu'il ne parait par rapport
aux demandes techniques de l'économie, il suffit d'observer
que l'on retrouverait dans un système qui, comme celui de la
Chine classique, visait à former les fonctionnaires d'une
bureaucratie prébendaire, la plupart des traits du système de
sélection français. (...)
Pierre Bourdieu - La reproduction
Il y aurait beaucoup à dire, et beaucoup a été dit, sur l'école polytechnique, les grandes écoles en général, et le système français de sélection en particulier. Je limiterai donc ma modeste contribution à mon expérience personnelle dans ce domaine (et j'assume pleinement l'apparente contradiction qui porte au "frontispice" de ce texte une référence à un professeur d'école jésuite et à un critique affirmé de ce type d'éducation...)
J'ai intégré l'école polytechnique en 1983. Je garde un souvenir mitigé des deux années que j'y ai passées (j'exclus le service militaire...)
Il faut tout d'abord dire que l'X est une magnifique institution; tous les personnels, les enseignants qui y travaillent sont certainement ce que l'on peut trouver de mieux dans le cadre qui leur est fixé. Il ne faut donc pas voir ici une critique des gens qui font fonctionner l'institution (et qui sont remarquables), mais une critique plus globale du système dans son ensemble.
Sur le plan du creuset social, il faut reconnaître aux grandes écoles française de vraies qualités. L'intégration s'y fait au mérite et la discrimination explicite en est absente. On peut certes arguer que les fils d'enseignants et les fils de polytechniciens y sont sur-représentés, mais cela tient plus au système d'éducation en général (dont on pourrait discuter) qu'au mode strict de sélection. Il est aussi probable que tout ceci réponde parfaitement à l'analyse qu'en aurait fait un Pierre Bourdieu sur la reproduction des rapports sociaux de domination, mais il n'y a pas de société parfaite, et là n'est pas le sujet.
La formation dispensée à l'X, au moins à l'époque, était excessivement théorique, au point d'écoeurer souvent même les meilleures volontés. Les cours dispensés étaient toujours brillants, (et même parfois trop). Ce qui nous était demandé se faisait dans la totale continuité de ce que nous avions connu en classes préparatoires, avec un grand nombre de petites classes permettant de maîtriser sur le bout des doigts l'art... de savoir résoudre les exercices sur le cours.... On réalisait en fait une seconde sélection destinée à remplir par ordre de classement les corps de l'état, comme les classes préparatoires remplissaient les écoles d'ingénieurs. Le bachotage était là aussi de rigueur si l'on souhaitait réussir scolairement, et l'on avait bien du mal à sentir le rapport entre les cours dispensés et leur "applicabilité".
Mais il y avait, et il y a sans doute encore, plus grave. Ce type d'enseignement, qui s'adresse pourtant aux meilleurs élèves en mathématiques dans un tranche d'âge (avec les normaliens supérieurs), ne prépare en rien à la méthode scientifique telle qu'elle est enseignée dans tous les autres systèmes d'enseignement supérieur dans le monde. Il n'y a presque pas de projets personnels, et j'ai du attendre mon stage de fin d'études pour apprendre à faire une bibliographie, parce que je travaillais alors dans un laboratoire de recherche. Tout cela était d'autant plus choquant que la plupart des enseignants venaient de laboratoires de recherche et que l'école elle-même en abrite un grand nombre. Pourtant, et c'est hélas un fait vécu, je n'ai découvert cette "présence universitaire" sur le campus de l'école qu'à la fin de ma formation...
Le discours tenu à l'X était d'ailleurs proche d'une forme de schizophrénie: alors que l'on nous abreuvait de cours théoriques d'une complexité extrême, on nous expliquait simultanément que nous étions les "futurs officiers de la guerre économique" (Bernard Esambert), et que nous nous destinions à devenir les futurs cadres de la nation, une fonction où l'amoncellement de connaissances ultra-théoriques n'a vraiment que fort peu d'intérêt...
C'est là que j'ai véritablement réalisé le hiatus profond entre les disciplines de sélection et le but final qui est l'emploi, et donc les compétences à avoir dans cet emploi. On ne peut alors que ressentir profondément l'absurdité du système de sélection français, qui extrait de la société ses meilleurs éléments scientifiques, pour en priver la science française et en faire de futurs managers-manipulateurs de tableurs Excel, une fonction à laquelle une formation ou une qualification scientifique ne prépare pas et ne saurait garantir aucune légitimité particulière.
Les écoles d'ingénieur, et l'X parmi elles, ont fait preuve de leur
efficacité dans la formation d'élite technologique, jusque dans les
années 70. Mais les besoins de la France en matière de formation
scientifique ont évolué, et les écoles d'ingénieurs devront, si elles
ne veulent pas devenir obsolètes, suivre cette évolution, dans le
cadre européen et mondial d'une formation Licence/Maitrise/Doctorat bien différente de la
nôtre, et probablement bien mieux adaptée aux besoins modernes (voir le
texte sur
l'enseignement supérieur, et les documents associés référencés sur
cette page, en particulier le rapport Aghion/Cohen "Education et
Croissance"). Cette évolution est de toutes façons inévitable, quoi
que l'on pense de la valeur comparée des systèmes éducatifs: au niveau
mondial, le modèle anglo-saxon s'est imposé, et il n'y a pas de salut
hors du doctorat, que ce soit en Chine, aux Etats-Unis, ou en Allemagne.
Et je ne pense pas que cette évolution passe par la création
d'un "doctorat d'administration" qui permettrait aux polytechniciens
de bénéficier ainsi de façon quasi-automatique du titre de
docteur qui leur manque lorsqu'ils sont en commerce avec nos collègues anglo-saxons. J'avoue avoir
rarement autant ri que le jour où j'ai lu cette proposition
profondément (mais involontairement je le crains) comique sur un
forum du corps des Ponts si mes souvenirs sont justes...
Il semble cependant que l'X ait pris le bon virage avec la nomination
au début des années 2010 d'un directeur adjoint à la recherche issu du
CNRS et d'un directeur adjoint à l'enseignement issu de
l'université. En quelques années, l'école a sérieusement accéléré sa
formation au doctorat. En 2014, 30% des élèves passent un doctorat,
c'était moitié moins en 2007, et ne parlons pas de mon époque... D'autre
part, l'X s'implique largement dans le grand regroupement
Paris-Saclay et ce malgré les réticences en 2011 des gardiens du temple
qu'est la fondation de l'école, en particulier concernant "l'assurance
d'une autonomie de gouvernance lui permettant de rester fidèle à ses
valeurs".
L'école a aussi structuré sa recherche suivant un modèle
matriciel fondamental/applicatif qui devrait favoriser les
rapprochements avec l'innovation industrielle.
Espérons que ce cap sera maintenu, ce qui pourrait permettre à
l'école de devenir un véritable établissement d'enseignement supérieur
au sens mondial du terme.
On trouvera ci-dessous l'excellente analyse de mon ancien
professeur Denys Acker sur l'école polytechnique et la sélection par
les mathématiques.
Le remarquable abécédaire de Denys Acker est disponible à la vente
sur
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vous le recommande chaudement.
Il y a ceux qui font quelque chose : Ils sont trois qui font quelque chose. Il y a ceux qui ne font rien : Ils sont dix qui font des conférences. Il y a ceux qui croient faire quelque chose Et ils sont cent qui font des conférences Sur ce que disent les dix |
De ce que font les trois qui font quelque chose. Et il arrive que l'un des cent dix vienne expliquer La manière de faire à l'un des trois qui font quelque chose. Alors l'un des trois intérieurement s'exaspère Et extérieurement sourit Mais il se tait car il n'a pas la parole D'ailleurs, il a quelque chose à faire. Jacques Prévert |
La vague libérale amorcée à la fin des années 70 a changé considérablement les fonctions de "l'élite technique" de la nation. Là où les polytechniciens faisaient la caravelle, les centrales nucléaires, le système de contrôle aérien, ou le réseau téléphonique français, tout cela au service de l'état, les privatisations et autres dérégulations les ont placés dans des rôles de donneurs d'ordre et de managers, et a dévalorisé leur compétence technique.
Nombre d'entre eux se sont lancés alors dans une fuite en avant vers le management pour tenter de retrouver leur statut social passé.
Cette tendance fut encore renforcée par le système de gestions de nombre
d'administrations où les "corpsards" font leur carrière. Alors
qu'ils ont été préparés à accomplir des tâches techniques (à défaut de
tâches scientifiques), certaines maisons d'emploi ont édicté des
règles de gestion héritées de l'administration chinoise du Vème siècle,
qui pousse les gens à changer d'emploi tous les trois ans, et ce
parfois dès leur début de carrière.
Si cela
peut se comprendre lorsqu'il s'agit d'administration territoriale où
l'on souhaite réduire les risques de corruption ou de connivence
(raison pour laquelle cette règle avait d'ailleurs été adoptée par
l'empire chinois), cela n'a aucun sens dans les fonctions techniques
qui devraient être celles d'un jeune polytechnicien sorti d'école.
J'ai pourtant même pu entendre une fois un
responsable de gestion de corps expliquer qu'il valait mieux lorsque
l'on prenait un poste n'avoir aucune compétence particulière dans le
domaine afférent afin d'avoir "l'esprit frais" (sic), sachant bien
entendu que "nous pédalions vite comme tous les X" (re-sic) et que nous aurions
tôt fait de "maîtriser totalement le sujet" (re-re-sic). On retrouvera
bien ici la suffisance, voire l'arrogance, que nous reproche tellement
nos collègues étrangers, une arrogance qui dépasse le stade de l'orgueil pour
approcher celui de la vanité.
Au final, et après de nombreuses années de carrière, on ne peut que constater un immense gâchis de talents et de compétences. Il n'y a rien de plus triste que de voir un polytechnicien, chef de service technique, arriver en disant (expérience vécue): "la technique, je n'y comprends rien, ne m'en parlez pas". S'il ne comprend plus rien à la technique, alors l'Etat a jeté par les fenêtres l'argent de sa formation scientifique. Il n'est d'ailleurs peut-être plus bon à grand chose, n'étant plus compétent techniquement, et n'ayant pas forcément démontré, que ce soit par sa formation ou par sa sélection, sa capacité à "manager" autrement que par sa compétence technique, qu'il revendique avoir perdu.
Parallèlement, la France connaît actuellement une perte extrêmement forte d'emplois manufacturiers, accompagnant dans cette descente le Royaume-Uni et les pays du Sud (Italie, Grèce, Espagne) Cela ne peut être mis au seul débit de notre modèle social, quand on voit le Danemark ou la Suède connaître un belle croissance sur la même période..
Évolution de la production manufacturière dans l'union européenne
de 1997 à 2010.
Dans ce cadre, on ne peut que regretter que les gens les mieux formés
et probablement les plus aptes à alimenter la recherche, le
développement et la
production disparaissent dans des tâches de management administratif.
Il y a évidemment de grands commis de l'état qui ont su s'approprier cette
transition et savent aussi amener leur intelligence dans les tâches
de management qui leur sont confiés. Mais les compétences
scientifiques sont tellement indispensables dans une société qui doit
se maintenir à la frontière technologique si elle veut survivre, que
l'on ne peut s'empécher de le considérer comme un gâchis.
L'autre écueil à éviter est de croire que
parce
que l'on savait résoudre une équation différentielle vingt ans
auparavant, on peut prendre des décisions en se
basant sur une compétence technique, qui n'est rien d'autre qu'obsolète.
Je me souviens là aussi il y a quelques années d'un grand chef
de service de recherche et
développement assistant à une présentation sur un problème bien connu en
informatique: celui de la rotation des équipages d'avions. Le conférencier
expliquait que le problème était "NP" et qu'il était donc impossible à
résoudre avec des méthodes de force brutale.
Notre responsable polytechnicien ne put s'empêcher de lui faire
remarquer que "avec des machines suffisamment puissantes, on pourrait
toujours augmenter le n et le p". Il faut savoir, pour bien
apprécier l'ironie de la chose, que problème NP signifie problème Non
déterministe Polynomial (d'où le N et le P), une classe de problèmes
dont on "sait" (si on connaît un minimum ses classique de niveau
maîtrise informatique) qu'il n'existe aucun algorithme susceptible de les
résoudre en des temps raisonnables (voir pour ceux que cela intéresse
le cours
sur la complexité des algorithmes).
La technique et la science, ce n'est pas comme le vélo, ça doit - énormément - s'entretenir... Et s'il faut travailler pour intégrer l'X, il faut aussi continuer à travailler et travailler encore les fondamentaux lorsqu'on la quitte, si l'on veut garder une certaine légitimité technique.
Ce problème n'est pas récent; il y a en permanence des réflexions sur l'avenir des corps de l'état (voir en particulier le rapport Canepa-Folz), mais le problème de base, qui est la structure du système des grandes écoles, reste, malheureusement, tabou (voir la page sur l'enseignement supérieur).
Ceci dit, depuis quelques temps, un certain nombre de voix commencent à s'élever pour demander la suppression des corps de l'état. Ainsi, Patrick Mehr (X, corps des mines) a écrit un article dans le New-York Times extrêmement critique du système des corps de l'état (la version originale de l'article est disponible ici si le lien n'est pas cassé). Une version française a été publiée dans les échos.
Cet article est significatif par bien des aspects. Il est d'abord
l'oeuvre de quelqu'un qui est sorti du système et est parti à
l'étranger et a donc une vision d'ensemble qui n'est plus strictement
franco-française. Mais le système qu'il critique n'est pas le système
des corps tel qu'il était à l'origine, mais tel qu'il est
devenu.
Ce que voit Patrick Mehr aujourd'hui, c'est une
caricature de ce système, qui a été dévoyé par deux types d'acteurs:
Alors il est vrai qu'il devient aujourd'hui facile, comme le fait Patrick Mehr, de se gausser du système, surtout si l'on n'en voit plus que cet aspect caricatural et caricaturé. Il est vrai que le mécanisme de gestion de certaines des maisons d'emploi et de certains des corps (car il ne faut pas non plus trop généraliser) encourage des comportements absurdes: des projets interminables qui coûtent des millions d'euros sans jamais aboutir, mais que personne n'ose arrêter pour ne pas être celui qui porte la responsabilité de l'échec. Ou des systèmes dont la conception et la réalisation sont confiés à des prestataires externes que l'on change au fil du renouvellement des marchés, pour aboutir à des monstres que plus personne ne peut ni améliorer, ni même parfois entretenir.
Pourtant, pendant de nombreuses années, comme je l'ai dit plus haut, les
corps de l'état ont fait la
majeure partie de la technique de l'industrie française: la caravelle,
les centrales nucléaires, le téléphone, le système de contrôle aérien
français, la régie Renault, etc. Dans ces domaines, les réussites ont été
indéniables jusqu'à la fin des années 70, ce qui montre bien que le
systèmes des corps en soi n'était pas mauvais.
Bien sûr, il est
normal que dans un contexte de mondialisation et de concurrence
internationale, l'Etat se place davantage en soutien de ses sociétés privées,
encourage les transferts de technologie et finance la recherche pour
les soutenir. Mais ce n'est pas pour autant qu'il doit se défaire
totalement de sa fonction technique, scientifique et régalienne, car c'est
l'osmose entre les deux composants "public" et "privé" qui peut permettre
la réalisation d'un projet de société équitable, qui évitera la
disparition de France des emplois industriels de haute technologie,
seuls emplois à valeur ajoutée suffisamment forte pour maintenir des
niveaux salariaux élevés.
Et c'est bien la que
la conclusion de Patrick Mehr est redoutable. A partir d'un diagnostic
globalement juste (le système des corps ne fonctionne plus bien), il
en tire la seule conclusion qui lui semble possible: le passage dans
un système où ils seraient totalement supprimés,
laissant le champ totalement ouvert, comme aux USA, à un système
ultra-libéral.
Et c'est là aussi que nos opinions diffèrent; je ne crois pas que se diriger vers un système qui nous a donné Worldcomm et Enron, qui encourage des rapports salariaux de 1 à 100, laisse les principaux dirigeants toucher des primes et bonus irréels et nous a offert une crise financière presque sans précédent, soit une bonne solution. Je préférais, et continue à préférer, un système où les rapports salariaux ne dépasse pas 1 pour 5, et où l'enrichissement personnel est impossible. Lorsque j'ai choisi de rentrer dans un corps de l'état, j'avais d'autres options: X et informaticien, je pouvais partir chez Apple, choisir d'aller dans une grande société française, ou dans un grand laboratoire de recherche privé. Ce n'est pas l'inquiétude de la crise de l'emploi dans l'informatique qui m'a poussé à choisir un corps. Je l'ai fait par conviction, parce que je souhaitais travailler pour un service public qui n'a aucune raison de réaliser des bénéfices au détriment des citoyens. Il semble hélas que cette vision des choses ait de moins en moins cours aujourd'hui...
Alors, il faut peut-être le reconnaître: sans un sursaut de l'état français quant à la gestion de ses maisons d'emploi techniques et de leurs compétences, je crains fort que le système des corps techniques ne résiste pas à la prochaine vague libérale... Si l'on ne rend pas aux corps techniques leur place de leaders techniques (et NON de managers voir la page sur le management et la motivation pour bien comprendre la différence entre ces deux notions), si les membres des corps eux-mêmes ne renoncent pas à leur prétention managériale pour se concentrer sur leurs véritables centres de compétence, alors la disparition de corps dits techniques qui ne le seront plus deviendra inéluctable. Ce sera, peut-être, mieux ainsi, mieux en tous cas que de voir se perpétuer ce gâchis de formations, de talents et de compétences scientifiques.
Mais tel est peut-être déjà l'inévitable sens de l'histoire dans une société où le prestige du scientifique et de l'ingénieur s'est déjà largement effacé devant celui du manager et du financier, et l'histoire de nos corps n'est peut-être qu'une miniature d'une plus profonde mutation sociale...
Il semble difficile de terminer cette page sans dire un mot du
rapport Attali sur la libération de
la croissance (je ne parle pas ici du rapport de Bernard Attali sur
l'avenir de l'X).
Le but n'est pas ici de discuter ce rapport dans sa totalité
(j'y consacrerai une page spécifique dans un futur plus
ou moins proche suivant ma charge de travail; il y a en particulier
quelques perles, comme le paragraphe vantant les réformes
faites en Espagne, en Grèce et au Portugal pour mieux préparer
l'avenir: mais c'était avant la crise économique...). J'essaye plutôt
ici de voir quelles
solutions il propose concernant les corps de l'état et l'enseignement
supérieur.
Il faut reconnaitre au rapport Attali quelques tentatives
de lutter contre les corps interministériels mis en place depuis une
quinzaine d'années et qui deviendront, je le crains, un refuge de l'incompétence
bureaucratique. En particulier la proposition 247 propose d'organiser
les corps selon des lignes de métiers correspondant aux exigences
de l'économie moderne: finances, énergie, infrastructures
numériques, santé, etc. Ce serait certes mieux que le corps des
Ponts, des Eaux et des Forêts, qui, comme me le faisait remarquer un
de mes anciens aujourd'hui retraité, ressemble véritablement à un
corps de l'empire romain au niveau de sa dénomination, et dont ses
ingénieurs doivent également savoir gérer les infrastructures
routières, le trafic aérien, les systèmes géographiques, la prévision
du temps, la gestion de l'eau, etc, etc... De vrais polytechniciens,
n'est-il pas?
De la même façon il propose un recutement après cinq ans minimum
d'exercice dans le même secteur, au lieu de la méthode actuellement en
cours consistant à assurer leur recrutement directement en sortie
d'école.
Ceci dit le rapport Attali ne s'attaque jamais aux problèmes des
grandes écoles et des classes préparatoires, si ce n'est en creux: il
propose certes de (Décision 11):
donner progressivement aux étudiants de licence à l'université un
encadrement équivalent à celui des élèves de classes préparatoires aux
grandes écoles.
Mais le rapport ne s'interroge strictement jamais sur cette
spécificité absolument française qu'est le systèmes des classes
préparatoires et des grandes écoles, alors qu'il ne cesse de prôner
une forme d'uniformisation des structures vis à vis des grands pays de
l'OCDE. Faut-il y voir le fait que Jacques Attali est lui-même X corps
des mines, et qu'il est plus facile de s'attaquer aux corporatismes
des autres (ce que fait le dit rapport avec une belle constance) qu'à
son propre corporatisme?
PS: il y a de très bonnes choses dans le rapport Attali, si on accepte le postulat de base que l'économie doit désormais être dirigée par le marché et le secteur privé. C'est un point de vue que je ne partage pas, tant je pense qu'il faudrait plutôt mettre notre courage à lutter contre cette dérive qui aura inévitablement à termes de graves conséquences sociales en augmentant la fracture entre les plus riches et les plus pauvres (voir le livre facteur 12). Mais il semble y avoir dans ce rapport une vraie réflexion sur les pesanteurs françaises.
Pour ceux qui se demandent quelle solution miracle je préconiserais en matière d'enseignement supérieur, il n'y en a évidemment pas. La critique est aisée mais l'art est difficile. Ceci dit, une voie que je tente de promouvoir depuis plusieurs années, est la lente fusion des structures sur un modèle semblable à celui des Instituts Nationaux Polytechniques, qui ont un statut d'université, comprennent des personnels de l'enseignement supérieur, et comprennent des écoles d'ingénieur. Mais c'est là une autre histoire.
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Dernière modification: 09:48, 22/02/2024